POUVOIRS DU JUGE DE L’EXECUTION EN PRESENCE D’UNE CLAUSE ABUSIVE
Publié le :
12/06/2025
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L’article L 212-1 du code de la consommation dispose : « Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
La sanction correspondante est prévue par l’article L 241-1 du même code qui dispose :
« Les clauses abusives sont réputées non écrites.
Le contrat reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans ces clauses.
Les dispositions du présent article sont d'ordre public ».
De son côté, l’article R 121-1 du code des procédures civiles d’exécution encadre les pouvoirs du juge de l’exécution en disposant en son deuxième alinéa: « Le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution ».
Le rapprochement de ces dispositions, apparemment inconciliables, conduit à s’interroger sur les pouvoirs du juge de l’exécution saisi d’une contestation portant sur une voie d’exécution engagée en vertu d’une décision de justice quand cette dernière a été rendue concernant un contrat susceptible de comporter une clause abusive.
Dans cette hypothèse, le juge de l’exécution a-t-il le pouvoir de déclarer réputée non écrite une clause dont il constate le caractère abusif et, dans cette hypothèse, peut-il annuler, malgré les termes de l’article R 121-1 du code procédures civiles d’exécution, le jugement correspondant au titre exécutoire en vertu duquel la voie d’exécution a été engagée ?
Le 11 janvier 2024, le Juge de l’exécution du Tribunal judiciaire de Paris, confrontée à cette situation et donc à ces interrogations, posait pour avis la (les) question(s) qui sui(ven)t à la cour de cassation : « Le juge de l’exécution peut-il, dans le dispositif de son jugement, déclarer réputée non écrite comme abusive la clause d’un contrat de consommation ayant donné lieu à la décision de justice fondant les poursuites ? Dans l’affirmative, lorsque cette clause a pour objet la déchéance du terme, peut-il annuler cette décision ou la dire privée de fondement juridique notamment lorsque l’exigibilité de la créance était la condition de sa délivrance ? Dans ce cas, peut-il statuer au fond sur une demande en paiement ? Peut-il modifier cette décision de justice, en décidant qu’elle est en tout ou partie insusceptible d’exécution forcée ? Dans ce cas, peut-il statuer au fond sur une demande en paiement ? »
La Cour de cassation (2ème chambre civile) a répondu par un avis du 11 juillet 2024 (n° 24-70.001), avis se décomposant ou s’articulant sous la forme de trois affirmations :
- Le Juge de l’exécution peut constater, dans le dispositif de sa décision, le caractère réputé non écrit d’une clause abusive.
- Le Juge de l’exécution, qui répute non écrite une clause abusive, ne peut ni annuler le titre exécutoire, ni le modifier. Il ne peut pas non plus statuer sur une demande en paiement, hors cas prévus par la loi.
- Le titre exécutoire se voyant privé d’effet dans la mesure où fait application de la clause abusive réputée non écrite, le Juge de l’exécution peut et doit recalculer le montant de la créance et tirer ensuite toutes les conséquences de l’évaluation de cette créance sur la mesure d’exécution contestée devant lui. Si il est amené à constater que le débiteur saisi ne doit plus aucune somme, il peut et doit ordonner la mainlevée de la mesure.
Si formellement le Juge de l’exécution ne peut pas annuler le jugement rendu en faisant application de la clause dont il constate le caractère abusif, il va néanmoins constater que ce titre exécutoire est privé d’effet, tirant ainsi toutes les conséquences de caractère réputé non écrit de la clause abusive.
Il pourra donc ordonner la mainlevée de voie d’exécution contestée, sans pouvoir statuer sur une demande en paiement si une créance de restitution résulte de la privation d’effet du titre exécutoire en conséquence du caractère réputé non écrit de la clause déclarée abusive.
Historique
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