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PRATIQUE DE LA DECLARATION D’APPEL COMPLETEE PAR UNE ANNEXE INDIQUANT LES CHEFS DU JUGEMENT EXPRESSEMENT CRITIQUES

Publié le : 23/02/2022 23 février févr. 02 2022

Depuis l’entrée en vigueur du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 ayant réformé l’appel en matière civile, une nouvelle contrainte formelle s’impose à tout appelant qui doit indiquer dans sa déclaration d’appel les chefs du dispositif du jugement qui sont expressément critiqués.

L’article 901 4° du code de procédure civile dispose ainsi dans sa rédaction issue de ce décret que la déclaration d’appel est faite par acte contenant à peine de nullité « les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible ».

Depuis l’entrée en vigueur de cette disposition, une pratique s’est généralisée chez les avocats consistant à joindre à la déclaration d’appel régularisée via le Réseau Privé Virtuel des Avocats une annexe sous format PDF précisant qu’elle fait corps avec la déclaration d’appel, annexe précisant les chefs du jugement expressément critiqués.

Cette pratique a été récemment sanctionnée et invalidée par la cour de cassation.

C’est un arrêt de la deuxième chambre civile de la cour de cassation du 13 janvier 2022 (n° 20-17.516) qui a tranché la question.

Dans cet arrêt, la cour de cassation rappelle qu’il résulte des dispositions de l’article 562 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret précité que seul l’acte d’appel emporte dévolution des chefs critiqués du jugement.

La cour de cassation en déduit qu’ « il en résulte que les mentions prévues par l’article 901 4° du code de procédure civile doivent figurer dans la déclaration d’appel, laquelle est un acte de procédure se suffisant à lui seul ».

La Cour de cassation était saisie d’un pourvoi formé par une banque qui avait régularisé une déclaration d’appel en utilisant le procédé précédemment décrit et qui critiquait un arrêt d’appel ayant considéré que sa déclaration d’appel ne l’avait pas valablement saisie.  

La Cour de cassation statue en ces termes :
« Ayant constaté que les chefs critiqués du jugement n’avaient pas été énoncés dans la déclaration d’appel formalisée par la banque, celle-ci s’étant bornée à y joindre un document intitulé « motif déclaration d’appel pdf », la cour d’appel, devant laquelle la banque n’alléguait pas un empêchement technique à renseigner la déclaration, en a exactement déduit que celui-ci ne valait pas déclaration d’appel, seul l’acte d’appel opérant la dévolution des chefs critiqués du jugement ».

Concernant l’empêchement technique évoqué par la cour de cassation, la circulaire du 4 août 2017 accompagnant le décret du 6 mai 2017 dispose que « Dans la mesure où le RPVA ne permet l’envoi que de 4.080 caractères, il pourra être annexé à la déclaration d’appel une pièce jointe la complétant afin de lister l’ensemble des points critiqués du jugement. Cette pièce jointe établie sous forme de copie électronique, fera ainsi corps avec la déclaration d’appel. L’attention du greffe et de la partie adverse sur l’existence de la pièce jointe pourra opportunément être attirée par la mention de son existence dans la déclaration d’appel ».

Nous relevons que ce texte ne subordonne pas expressément l’utilisation d’une annexe à la déclaration d’appel au fait que celle-ci excède le seuil des 4.080 caractères.

Or, en vertu de cet arrêt inattendu du 13 janvier 2022, l’emploi d’une annexe n’est désormais autorisé qu’à trois conditions, conditions dont nous considérons qu’elles ne résultent pas des textes applicables :
  1. Que l’intégralité des 4.080 caractères soit utilisée,
  2. Que l’empêchement technique soit allégué et démontré,
  3. Qu’il soit renvoyé dans l’encadré RPVA à l’annexe,  
Cette décision nous semble particulièrement critiquable dans la mesure où, selon les termes de l’article 901 4° du code de procédure civile, la sanction de l’absence de la mention des chefs du jugement expressément critiqués dans la déclaration d’appel est la nullité.

Or s’agissant d’une nullité pour vice de forme, l’article 114 du code de procédure civile devrait recevoir application. Le second alinéa de ce texte dispose que « La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public ».

Dans le cas qui nous occupe, les chefs du jugement expressément critiqués étant mentionnés sur un document annexe communiqué à l’intimé, l’irrégularité ne cause aucun grief.


Elle est d’autant plus critiquable que la cour de cassation n’a pas cru devoir préciser que cette solution avait un effet différé, lui conférant ainsi implicitement un effet rétroactif.

En conséquence, des déclarations d’appel formalisées avant cet arrêt du 13 janvier 2022 sont susceptibles d’être déclarées invalides alors même qu’elles ont été réalisées conformément à une pratique non condamnée par les textes ni par la jurisprudence existante à leur date.

Il s’agit d’une règle de procédure qui est d’application immédiate, y compris aux affaires en cours et donc aux déclarations d’appel régularisées antérieurement.

C’est ainsi que la Cour d’Appel d’Amiens a rendu un arrêt le 2 février 2022, arrêt appliquant strictement la solution adoptée par la cour de cassation le 13 janvier 2022 à une déclaration d’appel formalisée le 13 avril 2021.

La sanction est radicale   et c’est d’ailleurs celle appliquée par la Cour d’Appel d’Amiens dans l’arrêt précité : l’absence d’effet dévolutif.

C‘est ainsi que la Cour d’Appel d’Amiens saisie d’un appel formalisée par une déclaration d’appel renvoyant à une pièce jointe mentionnant expressément les chefs du jugement critiqué constate qu’elle n’est saisie d’aucune demande par la déclaration d’appel.

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